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LA RADICALISATION

J’étais loin de me douter, lorsque j’ai proposé ce thème en octobre, qu’il allait malheureusement devenir d’actualité, à travers sa forme la plus violente.

Je me suis tout d’abord penchée sur le mot « radicalisation », pour une tentative de compréhension du phénomène et ma première observation est que déjà le mot en lui-même pose problème

RADICAL vient du latin radix racine, Qui tient à l’essence, au principe d’une chose, qui est fondamental

Complet, total

La radicalisation d’un système ou doctrine pour les uns signifie un retour aux sources, à la racine, la radicalisation pour les autres c’est le fait de radicaliser : rendre radical, c’est-à-dire plus extrême ; les deux significations se justifient et sont comme l’endroit et l’envers d’une même médaille.

Il me semblait important de souligner que dès le départ, bien que le même mot soit employé des deux côtés, il ne lui est pas donné la même valeur morale : pour les uns c’est bien, pour les autres c’est mal.

Le coran est un livre divin, directement révélé au prophète Mahomet, qui ensuite le récite. Le texte provenant directement de Dieu, aucune altération volontaire des versets, de leur sens ou ajout humain n'est acceptable ; ce qui justifie le refus de toute interprétation et le fait qu’il soit pris strictement à la lettre en particulier par les sunnites et les mouvements salafistes

Autre particularité le coran est un texte pas seulement religieux mais politique et social, ce qui explique son imbrication dans tous les domaines.

Pour les uns radicalisation veut dire respect strict des écrits, et n’admet pas de jugement de valeurs pour les autres certains passages sont perçus comme une forme de barbarie et les appliquer aujourd’hui relève d’une radicalisation à incriminer.

L’ambigüité même du mot est déjà source d’incompréhension ; je ne parle pas pour le moment des dérives du mot appliqué à un système à une doctrine quelle qu’elle soit ; car la radicalisation ne touche pas que le domaine du religieux, c’est une forme de pensée extrême qui peut s’exprimer dans tous les domaines: politique, économique, scientifique, philosophique, social, des pensées radicales extrêmes nous les trouvons partout.

On parle de radicalisation syndicaliste par exemple, lorsque le durcissement des positions ne permet pas une possibilité de consensus, que chacun campe sur ses positions et qu’il ne peut y avoir consensus

On peut aller plus loin et se demander si nous n’assistons pas aujourd’hui à une radicalisation de nombreux concepts, mais également de comportements, dont la radicalisation dans le religieux ne serait que la partie visible d’un iceberg de radicalisation plus générale.

Comment expliquer cette tendance à la radicalisation ? Qu’est ce qui la favorise ?

Et pourquoi s’exprime –t-elle aujourd’hui dans sa forme la plus violente ?

Il s’agit d’essayer de comprendre, ce qui ne veut pas dire justifier ou cautionner, l’indignation ne doit pas occulter les analyses.

En règle générale, on se radicalise pour marquer fortement une opposition, la radicalisation peut-être aussi une forme de résistance et, ou de révolte ; d’où les risques de dérapages. Surtout lorsque la violence devient la forme d’expression.

Dans la recherche d’explications surtout depuis les attentats du 13 novembre, de nombreuses hypothèses ont été émises, la réponse est en effet multiple, et ne peut être réduite à des simples clichés simplificateurs.

La nécessité de la pensée complexe, telle que la décrit Edgard Morin, appliquée à cette recherche, en serait une parfaite démonstration ; et il faut saluer au passage la pluri-disciplinalité à l’œuvre, puisque pour les différentes études menées, ont été réunis : philosophes, sociologues, psychiatres, médecins spécialistes, psychologues historiens, politologues…

Pour apporter essayer d’apporter quelques éléments d’explication, j’ai relevé les trois principaux qui semblent faire consensus :

Le premier : le contexte géopolitique :

Les guerres aussi tragiques qu’inutiles et aux conséquences désastreuses : la guerre d’Afghanistan, la guerre mensongère d’Irak, la guerre en Lybie, semant le chaos, provoquant les divisions ethniques,( En démantelant l’appareil d’Etat irakien en 2003, les Américains ont jeté les bases de l’insurrection sunnite) sans compter les destructions et les pertes en vies humaines, l’exode des populations, et la misère, tout cela alimentant toujours plus s’il en était besoin la haine contre l’occident. Ajouté à tout cela le conflit Israélo-Palestinien et les sentiments d’injustice qu’il inspire.

Myriam Benraad docteur en sciences politiques et chercheuse à l’irenam

Qui a écrit « lrak la revanche de l’histoire » soutient qu’au commencement du jihad moderne il y a l’humiliation, la revanche et un sentiment d’injustice: Il s’agit de venger la Palestine occupée, de combattre l’impérialisme occidental.

Cette question de l’humiliation et de l’injustice joue sur des émotions collectives qui touchent à l’universel, qui promet la revanche à tous les exclus ils y trouvent une cause juste ce qui facilitent l’embrigadement, la religion vient après, l’endoctrinement se fait à postériori ; comme le démontre les nombreuses enquêtes menées auprès des jeunes radicalisés.

Sur France Inter, un journaliste justifiait que ces jeunes n’ont « pas choisi l’islam mais la radicalité ».

La religion est l’élément fédérateur or mis ce fait incontestable, elle n’est que prétexte, elle est instrumentalisée ; les motivations sont tout autres et elles différent selon le mouvement qui les porte.

Ainsi les deux mouvements terroristes nés de ce contexte géopolitique tragique, n’ont pas exactement les mêmes revendications

Al-Qaïda (arabe : littéralement « la Base » : se présenter comme une alternative mondiale à l'Occident. Il considère que les gouvernements « croisés » (occidentaux), avec à leur tête celui des États-Unis, interfèrent dans les affaires intérieures des nations islamiques et ce dans l'intérêt unique des sociétés occidentales. Il a recours au terrorisme pour faire entendre ses revendications, qui sont anti capitalistes, anti consommation, anti impérialistes comme le démontre les cibles des attentats du 11 septembre aux Etats Unis, symbolisées par les tours jumelles du Word Trade Center à Manhattan

A la différence d’Alquaïda, Daesh (ou Daech) (nom arabe de ce que nous appelons communément l’État Islamique) le groupe a proclamé un Calife, qui se considère comme successeur de Mahomet, et sa motivation première est de construire le Califat et pour eux en dehors de l’Islam point de salut (c’est le cas de le dire)

Le deuxième élément explicatif est d’ordre social et économique:

C’est le refus de la modernité qui s’impose irrémédiablement, l’uniformisation et la perte d’identité que cela peut entraîner, avec son cortège de peurs. La mondialisation qui bouscule économies et société

l’ethnocentrisme de l’Occident qui cherche à tout prix (et quand je dis à tout prix, cela peut être même à coups de bombes) à imposer ses modèles et de l’autre côté la conscience que leurs structures ancestrales, valent bien plus que les modèles que le monde occidental veut leur imposer.

Il y a d’un côté l’occident, incarnation de la modernité, et de l’autre le non occident monde barbare à civiliser.

JC Guillebaud journaliste et essayiste, que je citerai à plusieurs reprises dans cet exposé et vous comprendrez pourquoi) nous parle de « cette mondialisation en cours qui, affirme –t-il, touche aussi la religion ; le religieux se modifie. Nous ne sommes pas assez attentifs à ce qui se passe sur ce terrain. Il est vrai que les transformations multiformes du religieux nous sont masquées par les crispations réactives qu'elles suscitent en retour. La « rétroaction », par sa violence et sa bêtise meurtrière, nous cache l'action principale. Sur ce terrain aussi, la métanoïa (renversement de la pensée) engendre des replis identitaires, des enfermements agressifs, des retours craintifs vers un passé révolu.

Concernant l’Islam, l’auteur va examiner longuement cette idée. « Lui aussi se mondialise, commence-t-il pas constater, et il est parcouru par des courants contradictoires qui vont des « nouveaux penseurs de l’Islam » que l’Occident abrite aux courants wahhabites ou jihadistes, parfois d’une extrême violence.

Dans le cas de l'islamisme contemporain - comme pour le Japon dans les années 1930 ou l'Iran au milieu des années 1970 -, la violence n'est pas le produit d'une «différence» culturelle impossible à résorber ou d'un obscurantisme quasi exotique. Au contraire, elle trahit un amenuisement rapide des différences, et l'évolution des pays musulmans vers une forme de modernité très proche de celle qu'incarne l'Occident honni. La proximité et non la distance est le moteur du « refus »… On n’est donc pas confronté à un particularisme culturel rétif – la perversité intrinsèque de l'islam – mais à une réaction de panique contre la rapidité du changement et l'influence grandissante de ce que les fondamentalistes iraniens appellent le mal d'Occident... Les intégrismes, même les plus violents, naissent moins d'un défaut originel de la Révélation que d'une réaction à l'occidentalisation. La violence identitaire, comme ce fut souvent le cas dans l'histoire, est imputable à la « ressemblance » et non à la différence. Elle résulte du rythme accéléré de cette évolution, qui déstabilise les sociétés musulmanes du monde arabe ou d'Asie. Raisonner ainsi change la perspective. Cela ne veut pas dire qu'on sous-estime la dangerosité de l'islamisme, ni la gravité des violences présentes ou annoncées. C'est tout le contraire. L'histoire nous enseigne que les périodes de transition s'accompagnent de troubles redoutables, d'effervescences idéologiques et de prurits « réactionnaires »…Tout porte à penser que, au-delà du raidissement meurtrier des islamistes, les sociétés musulmanes cheminent silencieusement vers un rendez-vous avec la modernité métisse. Une fois encore, la rudesse des clapots réactifs nous fait oublier le mouvement profond de la houle, qui entraîne des peuples dans la direction opposée. »

Le modernisme 'Le déracinement de la modernité, n'est pas détestable, écrit Guillebaud, c'est l'injonction au déracinement venu du dehors.' Simone Veil écrivait en 1949 : 'c'est un devoir pour chacun de se déraciner mais c'est toujours un crime de déraciner l'autre.' La modernité est refusée parce qu’imposée

Et c’est précisément parce que la modernité est vécue comme une violence, qu’on réagit avec violence face aux blessures de la modernité et au sentiment d’être victime.

Nous assistons aujourd’hui à des mouvements de résistance, et ce qui est à l’œuvre ce sont les peurs, peurs de deux côtés :

Mahdi Elmandjira né à Rabat en 1933, il a fait ses études universitaires aux Etats Unis, et a occupé plusieurs hautes fonctions, sous directeurs général de L’UNESCO entre autres. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont « La première guerre civilisationnelle »

Elmandjira voit la diversité culturelle comme cause du conflit ; et il décrit trois grandes peurs de l’occident :

Premièrement il y a la peur de la démographie. L’occident représente moins de 20% de la population mondiale et détient 80% des richesses matérielles de la planète. Et dans 30 ans sa population ne dépassera pas 13% de celle du globe.

Deuxièmement l’Occident craint l’islam, car la population musulmane est en pleine croissance et représentera bientôt plus de 40% de la population mondiale.

Et finalement l’Asie et surtout le Japon constituent aussi des facteurs faisant peur à l’Occident à cause de leur développement économique et technologique qui a eu lieu sans imitation des modèles occidentaux, et sans adaptation à ses valeurs.

Ce sont ces peurs, ajoutées à celle, d’un côté comme de l’autre, de la perte notre identité qui nous pousse à un raidissement de nos positions, à une radicalisation de nos comportements.

L’ethnique, le religieux, le national ou le social sont amalgamés pour soutenir des logiques identitaires d’exclusion et d’exclusivisme. On assiste à un durcissement grandissant des identités devenues des sources intarissables de violence. Et, au lieu d’être des supports d’échanges et d’ouverture, les appartenances deviennent des lieux de refuge et de repli.

Guillebaud le décrit ainsi :

…Nous avons besoin d'être de quelque part, d'habiter pour de bon le « pays du père », expression que nous traduisons par le mot « patrie. »

« L'identité en détresse réclame son dû... La blessure identitaire qui hante la modernité a quelque chose à voir en effet, avec une aspiration à la concrétude, à la chair. La mondialisation, l'espace-temps fracturé, la déchéance symbolique des « pays » et des territoires : tout cela conduit à la détresse de l'identité

La grande question est de savoir comment conjuguer le particulier et l'universel, deux impératifs qu'il faut additionner pour définir l'entièreté de la condition humaine. Elle nous invite à suivre un étroit chemin de crête entre deux précipices : d'un côté l'universalisme potentiellement désincarné, de l'autre une identité toujours tentée de se clore sur elle-même, griffes sorties.

La question de l’identité est aussi la diaspora un lieu de mal-être, d'incertitude et de souffrance existentielle… Qu'elles viennent du Maghreb, de l'extrême Asie, de l'Afrique ou du sous-continent indien, les diasporas connaissent un malaise identitaire qui peut avoir des conséquences négatives, à savoir une surévaluation émotionnelle de l'identité d'origine, voire une adhésion au fondamentalisme identitaire.

A toutes ces peurs s’ajoutent : les problèmes économiques et sociaux qui entraînent exclusion, montée des inégalités chômage qui sont aussi générateurs de violence

L’anthropologue indien Arjun Appadurai parle de « Géographie de la colère » le titre original de cet essai donne le ton : Fear of Small Numbers, « la peur des petits nombres », soit des minorités, l’auteur met en lumière cette face obscure de la globalisation.

Pour Bernard Stiegler philosophe : « ce n’est qu’en projetant un véritable avenir qu’on pourra combattre Daesh

L’emploi va s’effondrer, notamment auprès des jeunes. Et le désespoir engendre la violence… On ne produit plus de raisons d’espérer aujourd’hui.

A la question : C’est donc sur les ruines de l’ultralibéralisme que se construit la radicalisation?

Il répond : Oui, et dit-il, on ramène le radicalisme à une question de religion, et c’est scandaleux. La plupart des recrues de l’islam radical n’ont pas de culture religieuse. Ce n’est pas de religion dont il s’agit, mais de désespoir.

Troisième explication : une forme de nihilisme

Que désigne proprement le « Nihil », le « rien » « en fait, si l’on saisit la réalité des choses, rien n’a de valeur, réellement, objectivement ».

Le nihilisme affirme haut et fort que rien n’a de valeur et dans ce rien il y inclut la vie comme la mort

Cioran en est le plus vif représentant (avec Schopenhauer)

Comme nous pouvons le voir dans ses réflexions authentiquement nihilistes, par exemple : « Bien que la vie me soit un supplice, je ne puis y renoncer, car je ne crois pas à l’absolu des valeurs au nom desquelles je me sacrifierais »

Il a une entière conscience de sa radicalité lorsqu’il écrit : « Pourquoi je ne me suicide pas ? Parce que la mort me dégoûte autant que la vie. Je sens monter en moi un grondement sans précédent, et je me demande pourquoi je n’explose pas, pour anéantir ce monde, que j’engloutirais dans mon néant. Je me sens l’être le plus terrible qui ait jamais existé dans l’histoire, une brute apocalyptique débordant de flammes et de ténèbres »

Partant du nihilisme tel que l’exprime Cioran, on peut se poser la question comment peut-on être nihiliste, ne croire en rien, et partir dans le même temps pour le djihad, c’est à dire appliquer les principes extrêmes d’une religion auquel on croit, justement.

On est tenté d’affirmer que le terrorisme islamiste n'est hélas pas un nihilisme

"La mort, je l'aime comme vous aimez la vie": cette fameuse phrase prononcée par Mohammed Merah, qui aurait été inspirée d'une formule de Ben Laden : aimer la mort pour ce qu'elle est, le retour au néant et la négation de la vie. Mais ce n'est pas la mort en tant que telle qui est désirée par les djihadistes ; c'est ce qu'il y a après et le prestige associé à une mort en "martyr", au nom de Dieu.

Pourtant dans le sens très particulier que Nietzche emploie le terme de nihilisme: désignant ainsi la tendance à dévaloriser l'ici-bas en faveur d'un « au-delà », quel qu'il soit, religieux, politique… Nous sommes bien face à une forme de nihilisme.

Ils rentreraient dans la catégorie de ceux que Nietzche appelait « les hallucinés des arrière-mondes » Ceux qui à l’ici-bas opposent un au-delà.

Nietzsche décrit l'accélération de l'histoire avec les déséquilibres qui s'accentuent. Il nous parle de deux formes de nihilisme :

« Une forme active, ce nihilisme actif conscient du nihil des valeurs, persiste par désenchantement à détruire en leur nom le monde et à se détruire lui-même. »

Une forme passive : « Nihiliste est l’homme qui juge que le monde tel qu'il est ne devrait pas être, et que le monde tel qu'il devrait être n'existe pas. De ce fait, l’existence (agir, souffrir, vouloir, sentir) n’a aucun sens : de ce fait le pathos du « en vain » est le pathos nihiliste — et une inconséquence du nihiliste »[]. Ce nihilisme passif peut être « très approximativement », rapproché de la doctrine de Schopenhauer, qui on le sait influença sa pensée.

« Tout ce monde de fiction s’enracine dans la haine du naturel de la réalité il est l’expression d’un profond malaise avec le réel » écrit Nietzsche dans l’Antéchrist

Les trajectoires des deux jeunes français radicalisés illustrent bien cette forme de nihilisme. Ils sont de la modernité en la haïssant. Modernes, ils ont rejeté tout ce qu’ils ont pu hériter : leur famille, leur campagne, et peut-être plus déroutant encore leur éducation catholique. Anti-modernes ils haïssent cette modernité dépourvue de sens, et recherchent l’offre de la plus grande radicalité.

Certains voient dans « L'attrait du djihad, un nihilisme générationnel, qui dépasse la sphère musulmane »

André Glücksmann, quand il recherchait le nihilisme dans les attaques du 11 septembre 2001, dans un livre au titre évocateur, « Dostoïevski à Manhattan », présente les terroristes comme des hommes de l’entre-deux, coincé entre l’homo economicus et l’homo religiosus. Le premier, moderne et rationnel, rejette le passé. Le second, homme religieux hait la modernité. Selon Glücksmann « empruntant au présent sa négation du passé, et au passé sa négation du présent le révolté démolisseur végète dans l’entre-deux. Il écrase tout avenir sous le poids de sa négation ou écrase en plein vol ».


Nombreux sont ceux qui pensent que ce nihilisme, ne serait qu’une désespérance profonde, un sentiment d’être les laissé pour compte du reste du monde.

Deux thèses qui se présentent comme deux visions de l’avenir, apportent aussi des éléments de réponse

« Le choc des civilisations » soutenue par Samuel Huntington ou au contraire « Le métissage » appelé de ses vœux par JC Guillebaud dans « Le commencement d’un monde »

Samuel Huntington (professeur à Harvard il a aussi été membre du Conseil de sécurité nationale au sein de l’administration Carter) nous dit qu'il faut désormais penser les conflits en termes non plus idéologiques mais culturels : « Dans ce monde nouveau, la source fondamentale et première de conflit ne sera ni idéologique ni économique. Les grandes divisions au sein de l'humanité et la source principale de conflit sont culturelles

Donc, puisque le monde où nous entrons sera structuré par les identités culturelles et/ou civilisationnelles, alors ces conflits seront d’abord des oppositions entre civilisations

Le conflit principal du siècle à venir n’opposera pas des classes sociales entre elles, mais bien des civilisations concurrentes

L’identité culturelle sera, dans le monde en train de naître, la dimension décisive.

« En Europe occidentale, écrit-il, l’antisémitisme vis-à-vis des Arabes a en grande partie remplacé l’antisémitisme à l’égard des juifs »[]

Le livre de Huntington est à la fois :

Une théorie des relations internationales il écrit par exemple il est crucial que les Etats phares ne soient pas directement impliqués dans le choc des civilisations. Les USA doivent donc éviter de s’engager directement dans tout conflit sur une zone de fracture civilisationnelle, car tout engagement direct de leur part, y compris dans un monde musulman les expose au risque d’escalade (dommage qu’on en ai pas tenu compte)

Et (ce qui peut être est plus discutable : une critique du multiculturalisme comme politique intérieure. Huntington reproche aux multiculturalistes américains de vouloir créer « un pays aux civilisations multiples, c’est-à-dire un pays n’appartenant à aucune civilisation et dépourvu d’unité culturelle. » Il croit que l’affrontement entre les partisans du multiculturalisme et les défenseurs de la civilisation occidentale constitue le « véritable conflit » aux États-Unis.

Pour Guillebaud le problème ne vient pas de la grande différence culturelle comme l’affirme Huntington mais à l'inverse de « l'effacement angoissant des différences », qui nous pousse à croire en une uniformisation complète du monde et donc à la fin de la diversité culturelle. Ce choc des civilisations ne viendrait donc pas de la crainte de l'autre du fait de sa différence, mais plutôt de la disparition des différences et de la capacité d'identification culturelle.

Pour lui, si la violence menace, ce n'est pas parce que les « différences » se renforcent mais, au contraire parce que la « ressemblance » progresse. Loin de s'éloigner les unes des autres, les prétendues « civilisations » humaines sont prises aujourd'hui dans la logique d'une irrésistible rencontre, d'un mélange, d'un métissage

Il est conscient que cela ne se fera pas sans douleur, mais reste optimiste « même si ces divers refus peuvent revêtir un aspect dévastateur et même meurtrier (que l'on songe au terrorisme et aux guerres du XXe siècle), ils finissent par se révéler transitoires. Ils s'apparentent à des coups de frein, capables de ralentir, pour un temps, la propagation de la modernité, mais sans jamais en inverser le cours, ni même l'arrêter. Une fois passée l'effervescence réactive, un nouvel équilibre se reconstruit peu à peu, une hybridation culturelle se met en place.

On convie les occidentaux, poursuit-il, à sortir de leur propre fondamentalisme, pour s'ouvrir à ce qui vient de l'ancienne périphérique. Il n'y a là rien de bien extraordinaire. L'acceptation du métissage culturel, comme caractéristique de la modernité naissante, ne devrait pas effrayer les habitants de l'hémisphère Nord : parmi les composants de cette nouvelle modernité l'apport occidental reste, et restera, prédominant.

Au lieu d'imposer l'universalité d'une valeur ou d'un principe, comme en rêvent encore les occidentalistes militants, il s'agit de proposer à la délibération de tous, la vision qu'on se fait de l'univers.»

Des questions restent en suspens :

Les différences entre civilisations perdureront elle malgré le métissage mondial ?

Le risque d’uniformisation n’est-ce pas une menace pour l’humanité ?

L'anthropologue français Claude Levi-Strauss a-t-il raison de soutenir que « l'humanité s'installe dans la monoculture; elle s'apprête à produire la civilisation de masse comme la betterave. Son ordinaire ne comportera pas plus qu'un plat. »,

Pour conclure

« Entre faussaires de l’islam et Occident colonialiste » pour reprendre un article de presse

La situation actuelle met des idéologies en opposition, chacune est sûre de détenir la vérité. Au fond, les torts sont partagés, entre ces faussaires s’habillant de la couleur de l’islam et ces tenants d’un Occident colonialiste, assimilationniste, le dialogue est celui de deux sourds. »

Or on ne combat pas une idéologie avec des bombes, celles-ci tuent les hommes pas les idées.

La situation telle qu’elle se présente aujourd’hui fait craindre deux risques majeurs : L’embrasement et le risque totalitaire si on se réfère à la « théorie de la tyrannie » développée par Hannah Arendt et dans laquelle elle met en évidence la façon dont la terreur favorise l’atomisation de la société qui favorise à son tour la « domination totale » ou le totalitarisme.

Pour terminer par une note optimiste : Plutôt qu’une assimilation/intégration plus ou moins forcée, le multiculturalisme, (il est à l’œuvre au Canada) qui serait l’acceptation d’une véritable cohabitation des idées des cultures, des traditions, des croyances telle quelle fût vécue dans mon Andalousie pendant quatre siècles, permettrait « le vivre ensemble » si enrichissant !

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Published by cafe-philo-psycho de Biarritz